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Pourquoi c’est si difficile pour toi d’accepter que tu n’as rien à faire ou à être d’autre que ce que tu fais et es déjà pour être assez?

C’est ok d’avoir peur. C’est ok d’avoir des doutes. C’est ok d’hésiter. C’est ok d’avoir mal.

Cette tendance absurde de finir par se convaincre que les états négatifs sont intolérables et à éviter à tout prix—et qu’alternativement il existerait quelque part par là-bas un jour au bout d’un chemin arbitraire un état de constant bonheur jubilatoire et de paix éternelle, est non seulement une pure et totale illusion, mais ironiquement éloigne d’un état de mieux.

Le plus vite on accepte la peur, les doutes, l’hésitation et la souffrance comme faisant partie de l’expérience humaine et qu’on cesse de les fuir à tout prix comme des lâches, le plus vite on se rapproche d’une paix et d’un bonheur qui, même si non constant ou éternel, au moins—existe.

À la grandeur qu’est le cosmos je pense qu’on peut se permettre d’arrondir un peu et de se dire qu’on est pas mal toujours à la bonne place.

Honnêtement le plus dommage c’est pas que tu soies là à mentir à tout le monde en faisant continuellement semblant que tu es forte et invulnérable—c’est que tu sens le besoin de le faire.

Je sais pas si nécessairement le—meilleur—est à venir. Ça sonne un peu exagéré si tu veux mon avis. Ça sonne comme une phrase que quelqu’un nous dit comme ça pour bien paraître sur le rebord d’une table à moitié en train de nous écouter et à moitié en train de chercher une façon de changer le sujet. Mais je sais que du beau est à venir en tout cas. Pis je sais pas pour toi, mais moi, ça me suffit pour l’instant.

Leur avis sur toi est aussi utile à toi que le serait leur avis sur une autre chose qu’ils ne connaissent pas du tout et qui ne les concerne pas du tout.

Mon amie, vieillir, moi je trouve ça beau. Vraiment beau. Pis même si je te parle purement de façon matérielle et superficielle, j’nous trouve physiquement vraiment beaux pis belles, moi, les adultes avec le corps qui se marque tranquillement par le temps et nos mouvements des dernières décennies. Il y a un genre de charme mystique dans un visage où on peut déceler encore l’espièglerie des traits enfantins, mais entouré un peu plus qu’avant de petites rides et de petites taches. Peut-être parce que je vieillis moi aussi lentement, que j’arrive doucement à la constatation que d’être un adulte qui se sent un adulte comme je m’étais imaginé quand j’étais enfant, b’en ça n’arrivera juste jamais. Pis que quelque part cette partie de moi qui s’amuse du fait de rester par en dedans pareil pourtant, elle reconnait la même partie dedans toi, la gamine encore avec des contours de grande. Pis que quelque part dans un regard hors du temps et de l’espace, l’enfant en dessous du costume de grand se sent comme dire au tien—Hey, tu m’auras pas, j’te vois, j’t’ai trouvé. Je sais qu’tu me voies aussi. Moi aussi je suis encore là. Moi aussi j’fais juste semblant avec mes rides de grand. Peux-tu croire ça, toi? D’avoir des costumes qui donne l’impression de vouloir tenir un porte documents dans un ascenseur, quand au fond on veut encore juste aller trouver des belles chenilles dans les champs pis s’imaginer des histoires dans les nuages? Ça va être notre secret, j’dirai rien si tu dis rien. Croix de bras croix de fer, si j’mens j’vais en enfer.

Lettre du dimanche