Abandonner

Dans le zen, ils parlent du moustique qui essaie de piquer le taureau en métal. Quelle absurdité, n’est-ce pas, que cette quête complètement vaine que d’essayer de piquer un taureau en métal. Dans l’histoire, il est dit que c’est lorsque le moustique abandonne de le piquer que le taureau disparaît et que le moustique est enfin en paix. Qu’est-ce que ça veut dire? Est-ce que le taureau disparaît comme par magie comme pouf? Moi je pense que le taureau est toujours là, mais ce qui disparaît, c’est la quête. La quête d’un jour réussir à piquer le taureau en métal.

Et comme la quête de piquer un jour le taureau disparaît, le taureau disparaît des pensées du moustique. Disparaît de l’univers du moustique. Comme pouf.

Mais, et c’est un grand mais, pour se rendre à abandonner complètement et profondément et totalement et vraiment et pour de vrai de vrai, des fois, il faut, on a pas le choix, avant, essayer encore et encore et encore et s’essouffler à la tâche et se faire mal et se cogner contre le métal dur et froid encore et encore et encore et s’entêter et y croire vraiment et échouer lamentablement à chaque fois pourtant.

Des fois pendant des jours. Des fois pendant des années. Des fois pendant des décennies. C’est comme ça je pense. Mais, est-ce que le moustique y peut quelque chose? Est-ce que le moustique peut s’empêcher d’avoir la quête de piquer le taureau en métal? Je ne pense pas. C’est dans sa nature. C’est ok je pense. Le moustique a besoin, pendant un moment, des fois un long moment, des fois un interminable moment, d’essayer de piquer le taureau en métal. Même si c’est complètement vain et impossible.

Jusqu’à ce qu’un jour, enfin, finalement, il abandonne.

T’sais je sais pas pour toi, mais moi, je n’ai jamais vécu de plus grande libération je pense que lorsque dans ma vie j’ai complètement abandonné quelque chose. L’acte d’abandonner. Le verbe d’abandonner. Le geste d’abandonner.

Déposer par terre enfin le poids de ma quête. Me défaire enfin des chaînes de l’emprise du désir.

Et, oui, y comprit la quête d’être libre.
Y comprit le désir d’être libre.

Et l’être enfin, en ne le cherchant plus.

Lettre du dimanche