Je sais pas, mais il me semble que—essayer très fort—de lâcher prise, ça ne sonne pas vraiment comme le bon geste.
Je sais pas, mais il me semble que—essayer très fort—de lâcher prise, ça ne sonne pas vraiment comme le bon geste.
Si dans vingt pas je dois choisir entre la gauche ou la droite, que je passe les vingts prochains pas à me soucier de la bonne décision à prendre ou que j’en profite pour uniquement apprécier les beaux nuages, dans vingt-et-un pas, j’aurai mis le pied soit à gauche ou à droite, un choix—aura—été fait.
En ce moment sur la planète le jour et la nuit coexistent. La noirceur et la clarté aussi. Les orages et les temps calmes aussi. Peut-être, aussi donc, que tout ça peut coexister en nous, parce que, comme la planète, on est grand et vaste assez pour accueillir tout ça en même temps.
Je pense qu’il y a quelque chose de vivant dans la matière, ne serait-ce que par l’investissement et l’intention que j’y porte moi-même de façon subjective.
J’ai constaté ça dans les dernières années, où j’ai entrepris beaucoup de projets de couture. T’sais, il y a une large différence de relation et de sentiments entre ce que je ressens pour un pantalon que j’aurais acheté dans un magasin et que j’aurais porté immédiatement, et un pantalon que je me suis confectionné, ou modifié, moi-même.
T’sais, quand je travaille sur un pantalon, pour le rendre parfaitement agréable à porter sur ma peau, que j’ajuste la coupe pour qu’elle épouse parfaitement de la façon que j’aime mes jambes et ma taille, que je prends de mon temps pour panser ses petites blessures, parfois en le priorisant à mes amies qui m’invitent pour prendre un verre, j’investis quelque chose d’important de mon expérience humaine dans l’objet.
Du temps. De l’énergie. Des fois beaucoup de temps—des heures, des jours, des semaines. Des fois beaucoup d’énergie—de l’effort, de la sueur, du sang.
Quelque part, un peu de la même façon que l’investissement de ces deux choses change intimement la relation qu’on a avec quelqu’un, il y a une forme de relation très intime qui s’installe aussi avec mon pantalon. Ce n’est plus—un—pantalon. C’est—mon—pantalon. Je pense que c’est quelque chose de beau, comme relation. Ça enrichit mon expérience. Surtout si j’y apporte une présence et une intention volontaire. Que j’essaie de développer une relation intime avec tous mes objets, que je ne les vois pas juste comme de la matière inerte qui me sert et dont je me sers, mais comme une autre incarnation du vivant, avec quoi j’entretiens une relation.
Je pense que ça fait peut-être de moi quelqu’un qui ne se coupe pas momentanément du vivant, en ne séparant pas mes interactions avec les gens de mes interactions avec le reste de la matière qui compose le monde. Ça me garde investi dans une certaine forme d’intentionnalité et de conscience. Pis je pense que j’aime ça, comme sensation, même si l’argument pourrait probablement être fait que c’est une relation qui n’existe qu’à travers le paradigme subjectif de
mon esprit.
Quoi que, même les plus minuscules particules du monde ont des relations très intimes entre elles.
Les fleurs aussi, tu sais, elles naissent et elles meurent. Mais elles, elles n’ont pas l’air d’en faire toute une histoire de leur histoire. Je pense qu’on aurait beaucoup à apprendre des fleurs.
Tu n’as rien à prouver à personne. Et, au cas où tu l’aurais oublié, toi aussi, tu es une personne.
Donc, comme tu n’as rien à prouver aux autres, tu n’as absolument rien à te prouver à toi non plus.
Ou bien, tu peux si tu veux choisir d’avoir à te prouver des choses, et ainsi—aussi—choisir volontairement de prendre sur tes seules épaules absolument toutes les émotions et les états qui viennent avec sentir que tu as quelque chose à prouver.
Peut-être que cette sensation que, malgré tout ça, il nous manque encore quelque chose, c’est en fait parce qu’on a quelque chose de trop—l’impression qu’il nous faut quelque chose d’autre que ce qu’on a et est. Mais c’est faux.