16 mars 2024

Je pense qu’il y a quelque chose de vivant dans la matière, ne serait-ce que par l’investissement et l’intention que j’y porte moi-même de façon subjective.

J’ai constaté ça dans les dernières années, où j’ai entrepris beaucoup de projets de couture. T’sais, il y a une large différence de relation et de sentiments entre ce que je ressens pour un pantalon que j’aurais acheté dans un magasin et que j’aurais porté immédiatement, et un pantalon que je me suis confectionné, ou modifié, moi-même.

T’sais, quand je travaille sur un pantalon, pour le rendre parfaitement agréable à porter sur ma peau, que j’ajuste la coupe pour qu’elle épouse parfaitement de la façon que j’aime mes jambes et ma taille, que je prends de mon temps pour panser ses petites blessures, parfois en le priorisant à mes amies qui m’invitent pour prendre un verre, j’investis quelque chose d’important de mon expérience humaine dans l’objet.

Du temps. De l’énergie. Des fois beaucoup de temps—des heures, des jours, des semaines. Des fois beaucoup d’énergie—de l’effort, de la sueur, du sang.

Quelque part, un peu de la même façon que l’investissement de ces deux choses change intimement la relation qu’on a avec quelqu’un, il y a une forme de relation très intime qui s’installe aussi avec mon pantalon. Ce n’est plus—un—pantalon. C’est—mon—pantalon. Je pense que c’est quelque chose de beau, comme relation. Ça enrichit mon expérience. Surtout si j’y apporte une présence et une intention volontaire. Que j’essaie de développer une relation intime avec tous mes objets, que je ne les vois pas juste comme de la matière inerte qui me sert et dont je me sers, mais comme une autre incarnation du vivant, avec quoi j’entretiens une relation.

Je pense que ça fait peut-être de moi quelqu’un qui ne se coupe pas momentanément du vivant, en ne séparant pas mes interactions avec les gens de mes interactions avec le reste de la matière qui compose le monde. Ça me garde investi dans une certaine forme d’intentionnalité et de conscience. Pis je pense que j’aime ça, comme sensation, même si l’argument pourrait probablement être fait que c’est une relation qui n’existe qu’à travers le paradigme subjectif de mon esprit.

Quoi que, même les plus minuscules particules du monde ont des relations très intimes entre elles.

Lettre du dimanche