Rien qu'une fourmi
L’autre jour quand j'ai été à l'insectarium et que je suis entré dans le grand vivarium, où on peu observer des insectes volants et trépidants partout autour de nous, je suis resté un moment devant les centaines de fourmis qui découpaient les feuilles d'un arbre en petits morceaux pour les ramener chez elles et j'ai vécu un beau sentiment.
J'ai réalisé ma propre insignifiance.
Tu sais, quand j'étais petit puis aussi quand j’étais plus vieux un peu, je voulais tellement être vu, être important, être reconnu, sentir que j'avais de l'importance dans le grand monde, être unique, être quelqu’un finalement. Mais, depuis des années maintenant, tout ça me semble tellement inutile finalement. Aujourd'hui, je pense que je m’en fou un peu, que quelque part je préfère même l'ombre à la lumière, l'insignifiance à la signifiance, être rien qu'une petite fourmi de rien; mais, et c'est très important, surtout PAS pour finir par me dire à la fin de la phrase qu'à ma manière, je suis unique, qu'à ma manière, je suis important, qu'à ma manière, je fais partie d'un plus grand tout, que je suis important au tout à ma façon à moi.
Parce que ça, ce serait pas vraiment différent que quand j'étais petit puis plus vieux un peu. Ce serait d'essayer encore de nourrir un besoin d'importance et d'unicité dans la nouvelle circonstance d'être insignifiant. Non, c'est l'inverse que je ressentais quand je regardais les centaines de fourmis couper les petites feuilles et les rapporter avec elles.
Je les regardais et je ne voyais plus aucune d'entres elles, je ne voyais plus chaque fourmi, je ne remarquais plus qu'une d'entres elles avait peut-être une petite tache foncée, que l'autre avait peut-être une antenne de moins, qu'une autre marchait peut-être plus vite, qu'une autre encore avait peut-être l'air plus habile que ses voisines.
Tout ça avait complètement disparu, je me foutais complètement de chacune d’elle et il n'y avait plus qu'un tas, un simple tas de fourmis qui coupaient généralement des feuilles. Et j'ai ressenti intérieurement un genre de « franchement, c’est rien que des fourmis. » Et ensuite j'ai pensé à moi et à nous et j'ai ressenti un genre de « franchement, c'est rien que des humains. »
Et là, j'ai ressenti une genre de paix tranquille dans mon coeur, j'ai expiré un peu plus fort, puis j'ai senti mes épaules se baisser un petit peu et je me suis senti bien.
Parce que je sais pas pour qui on se prend, quand même. Mais je pense pas vraiment que de l’extérieur de notre expérience egotique à nous, on est bien différent des fourmis. D’une distance égale à la séparation physique et conceptuelle qui me séparait des fourmis, on est juste un simple tas de genre de primates imberbes qui se tiennent en tas et qui s’agitent dans tous les sens. C’est tout. Toutes ces complications qui compliquent tant nos vies et toute cette grandeur qu’on cherche tant à travers notre point focal individuel n’existe qu’à travers le point d’observation du « je ».
Et toute cette souffrance et ces inconforts qui accablent nos vies pourtant se dissipent complètement et instantanément dans le calme et la tranquillité qui accompagnent le grand vivarium du monde, si on prend ne serait-ce qu’un minuscule pas de distance de nous-même.
Et même si on est parfaitement incapable de prendre un minuscule pas de distance et qu’on ne le pourra jamais sauf dans notre imaginaire, quelque part, en prendre conscience une fois de temps en temps quand on regarde un tas de fourmis, ça peut au moins rendre un peu moins sérieux et grave toutes ces agitations autour, et peut-être qu’on peut expirer un peu plus fort, que nos épaules peuvent se baisser un peu et qu’on peut se sentir bien.
Textes choisis
- Rien qu'une fourmi 2024
- La prière 2024
- La liberté 2024
- Les réseaux sociaux 2024
- Le ciel 2024
- Abandonner 2024
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- Je suis important 2022